Let’s Apéro! Raisons de trinquer

Pardon? Elisabeth du 4e étage fête aujourd’hui ses dix ans d’ancienneté? Personne n’aurait pensé que cette cinquantenaire joyeuse était déjà là depuis si longtemps. Si, si, dit la collègue, Elisabeth serait quelqu’un de fidèle et aurait déjà survécu à plusieurs chefs. En tout cas, la boîte de réception électronique reçoit un e-mail avec l’objet: Let’s Apéro. À partir de 17 h, Elisabeth invite tous ceux qui ont envie à boire un Prosecco sur la terrasse du toit. Elle écrit qu’elle espère que beaucoup de personnes répondront à son appel et que l’on pourra profiter ensemble de la soirée.

Et effectivement! Sagement, les employés éteignent leur ordinateur juste avant 17 h, mettent leurs dossiers de côté, rappellent l’heure lors des réunions. Il semble que personne ne veut rater la diversion bienvenue dans un quotidien professionnel sinon dépourvu de surprises. Elisabeth ne fait pas partie des cadres et n’occupe pas de poste clé dans l’entreprise. Mais elle est sympathique, maîtrise bien la comptabilité des débiteurs et créditeurs, jette les fleurs fanées, est toujours de bonne humeur et s’assure que la réception à Pâques et à Noël est festive et décorée avec style.

Les jubilées, mais aussi un anniversaire rond ou la naissance d’un enfant constituent de bonnes raisons pour trinquer avec ses collègues au bureau. Cela permet de partager une partie de sa vie privée avec les personnes au travail et de mieux connaître des personnes que l’on ne fréquente pas excessivement au quotidien. L’événement n’a pas besoin d’être organisé de manière onéreuse ou compliquée. Quelques bouteilles de vin blanc réfrigérées, des olives fraîches, des sauces dip pour légumes crus ou un peu de viande sèche et du bon pain suffisent pour trinquer au bureau en l’honneur d’occasions réjouissantes. Un tel apéro au bureau n’a pas besoin d’être planifié longtemps à l’avance. Au contraire: l’ambiance est plus sympathique et décontractée quand l’apéro est organisé à court terme. Donc comme Elisabeth l’a fait: tout le monde est invité, ceux qui ont le temps et l’envie viennent. Il est inutile de confirmer ou de décliner.

Mais ici aussi, l’hôtesse doit tenir compte de quelques aspects

D’une part, il faut toujours également proposer des boissons sans alcool. En effet, un apéro d’entreprise en interne n’est pas une fête privée et ne doit pas servir de prétexte pour se saouler. D’autre part, il faut convenir au préalable avec les RH où et combien de temps dure l’apéro, et combien de temps peut être comptabilisé aux frais de l’employeur. De plus, il faut noter qu’en fonction du poste ou de la fonction, tout le monde ne disparaît pas directement pour la soirée après l’apéro de 17 h; certains retournent à leur poste et doivent encore se concentrer quelques heures. La bonne nouvelle est que le temps de l’apéro peut être comptabilisé comme du temps de travail dans la plupart des entreprises. La justification raisonnable est qu’un apéro est un élément de la culture d’entreprise et remplit une fonction sociale; il contribue à une ambiance positive sur le lieu de travail. Bien que la culture de l’apéro soit une évidence sur le lieu de travail des Suisses, les employés provenant d’autres pays, notamment de l’Allemagne, sont étonnés de la popularité de l’«apéro» parmi les confédérés. Sur un blog, un auteur s’amusait du fait que dans son bureau, les nouveaux étaient accueillis par un apéro, et que ceux-ci organisaient de nouveau un apéro une fois qu’ils avaient réussi leur période d’essai, c’est-à-dire généralement après trois mois. D’après le blogueur, ce serait un moment assez pénible et cela empirerait avec le nombre de personnes présentes. En effet, il y aurait une loi immuable pour les participants aux apéros suisses: chacun doit trinquer avec chacun. Pour rendre les choses plus difficiles, les Suisses ne se contenteraient pas d’un «Santé» général, mais trinqueraient en citant le nom de leurs collègues: «Santé, Martin!» – «Santé, Katja!», «Santé, Elisabeth!»

Avenir Suisse, le think tank en matière de questions économiques et sociales, a confirmé que les entreprises en Suisse utilisent l’apéro comme un instrument important de création de réseaux. Cependant, l’objet d’étude d’Avenir Suisse n’était pas les apéros internes, mais les apéros externes. La culture de l’apéro vivrait de l’équilibre entre l’interaction professionnelle et personnelle et servirait principalement à clôturer de façon conviviale des réunions professionnelles telles que des colloques, congrès ou événements d’entreprise. On y échange des cartes de visite, le «tu» est proposé, la bonne nourriture et un petit verre de vin délient les langues. La détente commune après le travail accompli crée des liens personnels et construit la confiance.

D’après Avenir Suisse, il n’y aurait pratiquement pas d’événements ou de réunions professionnelles, surtout d’une certaine grandeur, qui ne seraient pas complétés par un «apéro riche» ou un «apéro prolongé». La seule existence d’une terminologie spéciale témoignerait de l’importance de l’apéro en tant qu’institution sociale dans la vie professionnelle en Suisse.